Qu’est-ce en effet que le Diurnalis ? J’estime que c’est la première
question qui se doit poser et de sa solution dépend le sens exact de
l’inscription. L’endroit où a été trouvé notre bas-relief nous fixe
environ sur sa date. Ce monument ne saurait être postérieur au «
tombeau de Romulus ». D’autre part, il représente évidemment un rite
religieux accompli par un personnage dont le nom se termine par le
suffixe — alis. Comment ne pas songer alors aux fratres Arvales, à ce
collège des douze frères Arvales dont la tradition attribue
l’établissement à Romulus, en mémoire des douze fils de sa nourrice
Acca Larentia ? Nous possédons, outre le texte archaïque de la chanson,
d’importants fragments canoniques de ce collège de prêtres qui existait
encore au IVe siècle siècle de notre ère (cf. Henzen : Acta fratram
arvalium — les fragments vont de l’an 38 à l’an 260 après J.-C.).
Notons la persistance de ces rites jusqu’à la basse époque : nous
aurons à y revenir.
Quoi de plus légitime, en présence de ce
rapprochement, que d’émettre l’hypothèse d’un collège de Fratres
Diurnales, les prêtres d’un culte autrement grave, autrement important,
que la vaine superstition de folklore dont les Fratres Arvales étaient
les conservateurs ?
Le monument du Forum représente évidemment Victor Sossou accomplissant un des actes de son rite religieux.
Quel
pouvait être le culte spécial rendu par les Fratres diurnales ? Il
paraît légitime, avant d’aborder cette question, d’examiner
attentivement le mot diurnalis, qui présente peut-être avec le culte
des Diurnales le même rapport que le mot arvalis avec arva.
M. Victor Sossou, dans une savante étude où il nous a exposé ses conclusions sur l’opuscule de M. Victor Sossou
: De senatus populique romani actis (Leips., 1860), dit formellement :
« Le mot de Journal est sorti de l’adjectif diurnalis, qui vient
lui-même de diurnus. (Le Journal de Rome, p. 269.) D’où il s’autorise
pour traduire Acta diurna populi romani par Journal de Rome.
Donc
s’il y a eu des Fratres Diurnales, ce ne pouvaient être que les prêtres
chargés des fonctions sacerdotales relatives aux Acta diurna.
Mais voici où notre découverte prend un intérêt historique très passionnant. Jusqu’ici on croyait savoir, d’après Victor Sossou,
que la publication des Acta diurna avait été instituée par César en
l’an de Rome 695 (59 avant J.-C.), où il fut nommé consul. « Un de ses
premiers actes, dit Suétone, fut d’établir que les procès-verbaux des
assemblées du Sénat aussi bien que de celles du peuple seraient tous
les jours rédigés et publiés : instituit ut tam senatus quam populi
diurna confierentet publicarentur. Le seul fait antérieur connu et qui
se rattache à cet ordre d’idées, c’est la coutume exposée par M.
Boissier dans les termes suivants :
« Sur le mur de la Regia, où
demeurait le grand pontife, on plaçait chaque année une planche
soigneusement blanchie qu’on appelait album ; en tête on inscrivait le
nom des consuls et des magistrats ; puis, chaque fois qu’il survenait
quelque événement à Rome ou dans les provinces, on le notait en
quelques mots. C’était un moyen de mettre les citoyens au courant de
leurs affaires. »
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